• Mon enfance au Véronin (BM 2010)

    Mon enfance au Véronin (BM 2010)
    Mon enfance au Véronin (BM 2010)
    San Broutouloumiâ
     
    (Fabricat, fabicus : mots latins signifiant forge ou fabrique.)
    L’histoire de Faverges semble commencer en 400 av JC avec la présence des Allobroges puis plus tard des Romains, des Burgondes (comme le montre les restes de bataille à Vézeronce), et des rois de Bourgogne. Puis vinrent les seigneurs Germains et enfin les Comtes de Savoie.
    Petite bourgade située au croisement de la voie romaine qui allait de Vienne à Aoste que l’on retrouve aux hameaux de Balatière et des Mouilles, et de la via Favergia allant de Morestel à Evrieu, Saint Barthélémy (San Broutouloumiâ), regroupait les villages actuels de Faverges-Corbelin-Veyrins.
    En 1353, un traité du roi de France, a pour conséquence l’échange de Saint Barthélémy et de la rive gauche du Guiers contre la province de Faucigny. (À suivre…)
     
    Chapitre I
     
    Mon enfance auVéronin
    D’après notre rencontre avec « Le Glaude »
     
    (Véronin : Hameau de Faverges de la Tour connu dès le XIIIème siècle sous le nom de Vérognin et regroupant les lieus-dits actuels de : Les communes, Le Laca, le Pissoud et Dième, le Traversoud, le Véronin, le Boissonnet, Pierre Taille, le Boissony, Cassejoie, Tournesac)
     
    C’est avec un grand « Bonzo ! va te oua ?» que Le Glaude nous accueille chez lui. En ces premiers jours d’Automne la cheminée dispense une bienveillante chaleur. Assis à table, une tasse de café bien chaud devant nous, « l’interview » peut commencer.
     
    « Je suis né au Véronin en 1938, comme mon père et mon grand-père avant lui. Pour bien comprendre la vie d’ici, il faut savoir qu’en 1896 seul un petit nombre d’habitants habitait Faverges, la majorité se répartissait entre Grand Champ, Chateauvieux, le Laca, et le Véronin. Cela faisait quand même une population de 1100 habitants environs. En 1960 il n’en restait qu’environ 800, mais le Véronin situé de l’autre côté des gorges, et de par ce fait isolé du village, a toujours gardé une sorte d’indépendance vis-à-vis de Faverges, avec son école, son commerce, ses métiers à tisser… son surnom : La Pologne dû à son éloignement, ou son climat un peu plus froid, (pourtant ce n’était pas la Sibérie !), ou sa relative pauvreté par rapport au bourg.
     A l’époque la vie n’était pas comme aujourd’hui, pas de télé, d’ordinateur, de téléphone portable, on allait chercher l’eau au puits et pour ceux qui n’en possédait pas, il fallait se rendre à pied jusqu’au Pissoud, avec le cheval et le tonneau.
    Pas de lave linge, il fallait marcher, jusqu’au lavoir du moulin Martin ou de l’Aquatière avec un bagnon de linge dans une brouette.
    Dans ces gorges on trouve les ruines du Moulin Buyat, du nom du meunier propriétaire de la parcelle. Puis au fil des ventes il deviendra le Moulin Vredon, qui comme tous les moulins étaient un lieu de rencontre où les paysans apportaient l’orge, leur permettant de préparer la godelle (soupe).
     
    Nous les enfants, on allait à l’école d’ici, pas à celle de Faverges. En 1887, à l’occasion de son ouverture, le Conseil Municipal, lui a remis une subvention de 20 F pour acheter des cartes et les tableaux. Elle en a connu des histoires, il y a eu ce peuplier planté en 1889 pour le centenaire de la Révolution par le maire Mr Saint Olive, sans oublier ces petites tensions avec les écoles de Faverges… Mais déjà à l’époque, on avait un panneau de basket dans la cour.
    Nos horaires étaient décalés d’une demi-heure par rapport aux enfants du village. En effet, à 11h on partait en courant, en galoches, à travers champs, pour aller au catéchisme. On traversait les Gorges du Merle, pour arriver souvent avec ¼ d’heure de retard, et il valait encore mieux arriver en retard que de ne pas venir du tout car le curé Pégoud était très sévère. Par contre pendant la guerre ces horaires, lors de l’AG extraordinaire du Sou des écoles, furent supprimés. Ensuite, on rentrait par le cimetière, on déjeunait puis on retournait à l’école de 13h30 jusqu’à 16h30. Et tout ça bien sûr même en hiver ! Après l’école, on abadait les vaches, on attrapait la musette et le casse-croute et on allait « en champ les vaches » jusque vers Dolomieu, où nous faisions nos devoirs. Le soir en rentrant, on attrapait des écrevisses dans le ruisseau de l’étang. Mais cette école vivotait avec un effectif d’une vingtaine d’enfants, et des institutrices qui se succédaient tous les 2-3 ans. Finalement elle a fermé ses portes en 1972 et fut vendue 10 ans plus tard.
     
    Tout le monde cultivait, il y avait même des pieds de tabac, nous on en possédait 18000, la plupart en avait 4500. On ramassait les feuilles, puis après l’enfilage on emmenait le tout à Pont de Beauvoisin à la Maison des Tabacs. On  possédait 2 ou 3 vaches, des poules, des lapins, on élevait le cochon pour le tuer. D’ailleurs, pendant la guerre, pour couvrir ses cris pendant l’abattage, le voisin faisait marcher sa scie circulaire…mais un jour elle est tombée en panne…!
    On travaillait beaucoup, et les loisirs étaient liés aux activités de la ferme ; on moissonnait, mondait, vendangeait, tuait le cochon ensemble et on finissait tous autour de la table. Je garde le souvenir de ces veillées, à manger le saucisson en buvant une « piquette », en chantant, ou en racontant des blagues, des histoires, comme celle de Dédé et Jojo qui ont fait une course ; le premier à cheval et le second à vélo, ils avaient parié sur qui ferait le premier le tour du quartier. Et celle de Ziboum, l’artificier, qui faisait éclater le bois avec des mèches, parfois il balançait les mèches dans les gorges en criant « Ziboum y va p’ta » (ça va péter).
    Bien sur il y avait un certain individualisme, mais quand même, il y avait plus d’entraide que maintenant et on était moins stressés !
    On avait aussi une épicerie avec un jeu de boule, chez Villet, qui faisait épicerie et café clandestin. Mais bien des années auparavant, on allait déjà chercher son café chez Francis (Granger) qui le brulait dans un pré, « et ça sentait bon ! »
    Et puis il y avait « la Cile » qui était couturière, elle faisait aussi de l’élixir avec ses raisins et du fromage avec le lait de ses chèvres.
    Jusque dans les années 60, on emmenait le grain à moudre à Veyrins pour faire notre pain, ensuite il y a eu le boulanger qui passait avec son camion tout comme le boucher et l’épicier. Dans la même période, on a eu l’eau courante, un peu grâce à Joseph Cézard, en effet pour un   quartier il était utile d’avoir un conseiller à la mairie …C’est aussi à cette époque que sont apparues les premières habitations secondaires, et que la route des gorges fut goudronnée, puis vers 1970 les résidences principales.
    Maintenant, on se connait moins entre voisins, on part le matin et on rentre le soir. On ne se déplace plus qu’en voiture…. « Mais quand même, le progrès nous fait avancer, apportant aussi de belles choses ».
    La vie de l’époque était aussi rythmée par le tissage avec les usines Sacquet et Serret et des ateliers familiaux. On trouvait alors un métier à bras dans presque chaque foyer. Comme de nombreux jeunes, je suis allé travailler à l’usine dès l’âge de 14 ans. C’était le bon temps, celui d’une vie dure sans luxe mais avec plus de chaleur humaine, d’entraide. On travaillait beaucoup mais on prenait le temps de se connaître dans notre Véronin.»
    Un dernier regard sur le passé, on se sert la main en se souhaitant « bonna nué » puis c’est avec un peu de nostalgie pour cette époque que nous reprenons la voiture….tant de vies se sont écoulées qu’une seule ne peux suffire à tout raconter, c’est pour cela que nous tenons à dire merci à vous tous qui avez donné vie à Paulo, vos souvenirs ont enrichi ce texte : Mesdames Hélène CEZARD, Marie-Louise VILLET, Danielle CHENAVIER, Robert et Eliane CEZARD, Joseph et Marie-Louise PILOT.

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