• La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)

    La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)
    La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)La seconde guerre mondiale (Bulletin 2017)
    Nos aînés racontent... la période trouble qu’a été la guerre.

    À Faverges aussi, la guerre a laissé des traces...
    De nos aînés à nos plus jeunes, tout le monde se sent concerné par notre histoire commune et par le souvenir, afin que cette violence ne se reproduise pas...
    Vous trouverez dans cette rubrique les souvenirs d’enfance de nos aînés qui avait entre cinq et vingt ans entre 1939 et 1945 (les souvenirs diffèrent un peu, mais la mémoire, c’est ainsi !) et quelques photos d’époque qu’ils ont bien voulu nous laisser en partage et un hommage aux «Justes» de Faverges.
    Un grand merci à tous !

    L’ARMÉE

    « Quand on avait dix-huit ans, on devait faire le Conseil de Révision. C’était pour intégrer l’armée. On allait à La Tour du Pin. Souvent c’était monsieur Cottaz qui nous descendait en ville dans son taxi. On était reçu par une commission composée du maire de La Tour, du sous-préfet, du comman-
    dant de gendarmerie, et de docteurs. Ils disaient si on était apte à être soldat.
    Si oui, on savait qu’on allait bientôt partir au régiment pour dix-huit mois.

    Alors, on faisait la fête, et on payait à manger à nos parents dans un restaurant (souvent à Tapon).»


    LA GUERRE DE 39-45

    Souvenirs des enfants de l’époque :

    Au village on continuait à aller à l’école normalement.
    On n’a pas trop souffert de la présence des Allemands. Ils avaient pris quelques maisons et venaient chercher ce dont ils avaient besoin chez les habitants. Il fallait leur faire des omelettes à tout bout de champ, et ils emportaient ce qu’ils voulaient.
    Je n’ai pas de souvenir de violence au village, j’étais gosse.
    On n’a pas été trop malheureux pendant cette période grâce à nos animaux et nos potagers. À côté des gens des villes, c’était un gros avantage. On mangeait nos poules ou nos lapins. Nous avions du lait, des tomes, du beurre. Et bien sûr, on mangeait de la soupe tous les jours ! Ça conserve, on est encore là !
    Il y avait aussi les bons alimentaires. On allait les chercher à la mairie, et ils nous donnaient le droit d’acheter du sucre, du pain, du chocolat, de la farine, telle quantité en fonction de tant de tickets. Les tickets étaient donnés en fonction des besoins des foyers.

    Mais il y avait le «faux maquis». C’étaient des gens qui se faisaient passer pour des résistants et qui faisaient le tour des fermes pour
    prendre des victuailles (viande, légumes, fromages...) et allaient les vendre ensuite au marché noir. Parfois ils nous dépossédaient de beaucoup de réserves et faisaient plus de mal que les Allemands.

    Les officiers allemands s’étaient installés dans le château de Faverges et l’État-Major se logeait au château de Buffières à Dolomieu.
    Parfois, on croisait des agents de liaison qui allaient d’un endroit à l’autre pour transmettre ordres et informations.
    On voyait aussi des estafettes allemandes.

    Les allemands réquisitionnaient les fusils de chasse. Je me souviens que ma tante en avait jeté un dans le puits pour éviter qu’ils ne le trouvent.

    Les résistants avaient fait sauter quatre pylônes électriques. C’était la ligne moyenne tension actuelle qui vient de La Chapelle et qui part vers La Bâtie.
    Ils les avaient dynamités car les Allemands faisaient travailler les usines locales pour leur compte. Plus d’électricité, plus de production ! Par la suite, les Allemands avaient miné le sol au pied des pylônes. Les paysans de-vaient alors clôturer pour que leurs vaches ne s’approchent pas des zones dangereuses.

    Je me souviens aussi quand les avions alliés (américains) passaient au dessus de nous.
    Les escadrilles faisaient un bruit qui m’a vraiment marquée. Elles allaient bombarder Lyon. On entendait le bruit des bombardements depuis Faverges. Ça nous faisait peur. Ces avions faisaient tomber des petites languettes de papier (on disait que c’était du papier d’étain) afin de brouiller les ondes. On ramassait ces languettes dans les champs, dans les branches des arbres, et on les gardait pour décorer le sapin de Noël !

    Beaucoup de Lyonnais étaient venus se protéger dans leur famille à Faverges car ça faisait vraiment vilain à Lyon. Justement pendant une période j’étais interne à Lyon pour mes études. Dès qu’on entendait un coup de sirène, les enseignants disaient «Dépêchez-vous de vous habiller, on va à la cave ». Et on continuait la classe dans la cave pendant deux heures. Parfois en pleine nuit, à trois heures du matin par exemple, on devait toutes descendre dans le jardin, assises par terre. On devait ouvrir les fenêtres pour que les vitres n’éclatent pas. J’en garde un très mauvais souvenir.

    À Châteauvieux, les Allemands avaient positionné des canons orientés vers les montagnes de l’Ain. Nos parents ne voyaient pas cela d’un bon œil, craignant que s’ils devaient servir, on subisse des représailles.

    Pendant la guerre des enfants de Nice et de Lorraine ont été mis à l’abri dans des familles favergeoises. Ceux de Lorraine parlaient en alsacien, on ne les comprenait pas. Il y en a même qui sont restés après. Plus tard, on a appris qu’il y avait aussi deux petites filles juives qui avaient été protégées à Faverges.

    Comme on était jeunes, on aimait bien sortir et se retrouver dans le village. Alors pendant le couvre-feu, quand on entendait arriver les estafettes de l’armée, on se cachait parce qu’on ne devait pas être dehors.

    Quand les Américains sont remontés de Grenoble à Bourg, on était allé voir passer les convois à Évrieu. C’était très impressionnant. Il y avait des chars et des camions, et la foule était nombreuse pour acclamer les soldats.

    À la fin de la guerre, en 1946, des prisonniers allemands ont été répartis dans des fermes et chez des artisans pour aider au travail. À Faverges il y en avait au moins deux. Ils travaillaient toute la semaine et avaient «quartier libre» le dimanche après-midi. Ils mettaient ce temps à profit pour se retrouver. Sur le dos de leur veste et sur leur pantalon il y avait deux lettres : P et G pour Prisonnier de Guerre.
    Celui qui travaillait chez nous était très gentil. Il était bourrelier de formation et est resté en contact avec notre famille pendant quelques années après sa libération. Quand il est parti, il parlait le français couramment !

    Sur le monument aux morts, il y a le nom de Marguerite Sandoz (née Picornot) qui habitait route de Closel et Claritière. Elle est morte en déportation.
    Je crois qu’elle était résistante, mais je ne suis pas sûr.
    Il y a aussi le nom d’Alfred Calloud. Il a été tué à la fin de la guerre et enterré au cimetière de Faverges. Tous les écoliers étaient allés à l’enterrement avec les maîtres. Lors de sa mise en terre, un coup de fusil a été tiré pour lui rendre les honneurs.»


    LES JUSTES

    «Quiconque sauve une vie sauve l’Univers tout entier.»
    En 1984, une américaine atterrit à Lyon. Dans sa valise, une photo du mariage de Fernand Lalechère et Paulette Chapot, célébré dans les années 1950.
    Ruth Krell est fermement décidée à retrouver la trace de Paulette. Elle arpente les rues des villages du bassin Turripinois en montrant la petite photo jaunie et en interrogeant les gens qu’elle croise, espérant qu’ils seront susceptibles de l’orienter.
    Par chance, le chauffeur de taxi qui l’emmène vers La Bâtie Montgascon reconnaît le jeune couple de la photo, et indique alors à Ruth la première ferme après l’église, en lui affirmant avec raison qu’elle y trouvera Monsieur et Madame Lalechère.

    Les retrouvailles entre Ruth et le couple furent très chaleureuses et empreintes de beaucoup d’émotion.

    L’histoire

    La famille Krell habitait à Mannheim en Allemagne. Expulsée de son pays en 1940,dès le début de la guerre, elle se retrouve dans le camp de Gurs, dans le Béarn, où les conditions de vie sont très difficiles. Les parents acceptent, en 1941, sur proposition de l’Oeuvre de Secours aux Enfants (OSE) de se séparer de leurs filles afin de leur permettre de vivre dans de meilleures conditions et les confient à l’organisation qui leur promet de les sauver. Les petites filles ne le savent pas, mais elles ne reverront jamais leurs parents, qui malheureusement, mourront en déportation à Auschwitz...

    Ruth et Léa sont alors envoyées dans la Creuse, au château «Le Masgelier», avec de nombreux autres enfants secourus.

    En 1943, le danger devenant de plus en plus grand au vu de l’avancée des nazis, tous les enfants de ce centre sont placés dans des familles françaises habitant dans les zones sous occupation italienne.

    La famille Chapot, résidant route des Bruyères, avait répondu favorablement à une proposition d’accueil de réfugiés, suite à la demande d’un curé grenoblois connu de leur entourage.

    C’est ainsi que Ruth et Léa partagent la vie simple de Louise et Jean-Marie Chapot (paysan qui travaillait aussi un peu le bois) et de leur fille Paulette
    (Germaine, l’aînée, étant déjà partie de la maison) pendant les années 1943 et 1944.

    Ruth et Léa avaient reçu l’ordre de ne jamais révéler leur véritable identité (mais la famille savait) et de faire semblant d’être catholiques afin de ne
    pas éveiller les soupçons. C’est ainsi que Ruth Krell s’est appelée Régine Crell lors de sa vie favergeoise.

    Âgées d’une dizaine d’années, les deux fillettes fréquentent l’école du Véronin et se font des copines, parmi elles, Lucette.

    Louise et Jean-Marie les ont toujours considérées comme leurs propres filles, et leur ont donné beaucoup d’affection, d’attention et de bienveillance.
    Ruth et Léa ont dit par la suite : «C’étaient des paysans très pauvres, ils avaient quelques chèvres, des poules et des lapins. Ils partageaient le peu qu’ils avaient de manière égale entre nous et leur fille Paulette. C’étaient des gens formidables !».

    Paulette, qui était secrétaire de mairie à Faverges et à Saint André le Gaz, a pu améliorer un peu le quotidien en récupérant quelques bons alimentaires supplémentaires.

    Malheureusement, fin 1944 les troupes ennemies se rapprochent de Faverges et le risque de dénonciation met les familles en grand danger. Déjà en avril 1944, Izieu a été le théâtre d’une dramatique rafle... Les deux petites, dont la judéité aurait été révélée par le curé du village certainement à des fins de protection des villageois (souvenir de Ruth), sont de nouveau confiées à l’association OSE et placées dans un foyer à Saint Etienne.

    Louise a par la suite essayé sans succès d’avoir des nouvelles de ses deux protégées, qui avaient rejoint dès la fin de la guerre des membres de leur
    famille puis émigréaux Etats-Unis.

    La reconnaissance

    Le dimanche 11 septembre 2016 aux Abrets, Christine Caron (fille de Paulette Chapot) a reçu, sur l’initiative de Ruth Krell (83 ans maintenant) et de ses
    enfants, la médaille des «Justes parmi les Nations» au nom de ses grands-parents Jean-Marie et Louise Chapot, pour avoir sauvé de la barbarie nazie, Ruth et Léa Krell.
    Cette médaille lui a été remise par Ido Bromberg (ambassade d’Israël en France) et Joseph Banon (comité français pour Yad Vashem, mémorial israélien) en présence de nombreuses personnalités dont le maire des Abrets, le préfet de l’Isère, notre maire Daniel Cézard, et de vingt-deux américains, enfants et petits-enfants de Ruth et Léa.
    Plus haute distinction civile décernée par l’État d’Israël, la médaille est gravée au nom de Louise et Jean-Marie Chapot en mémoire et en reconnaissance de leurs actions d’humanité et de courage. Leurs noms sont aussi désormais gravés sur le mémorial Yad Vashem en Israël, ainsi que sur celui du musée de l’holocauste de Houston aux USA.
    La cérémonie, ouverte avec le chant «Nuit et Brouillard» de Jean Ferrat, a été très belle, solennelle, et empreinte de beaucoup d’émotion. De nombreuses allocutions ont été prononcées, le chant des partisans a été diffusé, ainsi que les hymnes nationaux français et israélien.

    La médaille des Justes a été remise à plus de 26 000 personnes dans le monde entier, dont 3 925 en France.
    Un grand merci à M. et Mme Caron qui nous ont reçues avec beaucoup de gentillesse pour vérifier, compléter et nous permettre d’illustrer notre article !

Encore plus d'articles...