• La vie quotidienne (Bulletin 2016)

    Nos aînés racontent... la vie quotidienne de leur jeunesse

    LES LOISIRS

    « Le dimanche, on n’avait pas grand chose à faire. On était fatigués.
    Le matin il y avait la messe. Les enfants du Véronin venaient à pied au catéchisme à Faverges. L’après-midi, les femmes gardaient leurs enfants et les maris allaient faire la belote ou jouer aux boules, chez Bonny ou dans d’autres bistrots.
    Parfois, il y en avait qui avaient trop bu, ce n’était pas marrant. C’était comme ça, les femmes restaient à la maison, elles tricotaient, faisaient la couture, faisaient des robes à leurs filles.

    À l’époque il y avait aussi les fêtes et les sorties qui jalonnaient l’année, comme l’arrivée de la vogue au village. Il y avait une vogue qui s’installait dans un champ face au café et à la maison Bonny, et il y en avait une spéciale pour les conscrits de Faverges, sur le champ de Mars (terrain où il y a la mairie).
    Il y avait le pousse pousse, la balançoire... C’était un monsieur de Cessieu qui venait, mais les vogues de La Bâtie ou de Saint Clair étaient plus grosses. Une fois j’y suis allée avec dix centimes en poche ! Ce n’était pas beaucoup !

    L’hiver, on descendait à pied au cinéma de la Tour du Pin ou avec le taxi collectif de M. Cottaz. Le cinéma c’était là où il y a le café, sur le champ de
    Mars. Il y avait même deux cinémas à La Tour du Pin plus un à la Bâtie. Celui-là, on y allait le dimanche soir.

    Il y avait parfois des courses de vélo qui étaient organisées. On allait vers le grand étang entre La Chapelle et Faverges pour voir passer les coureurs, ça faisait passer l’après-midi. Il y avait beaucoup de clubs de vélo. À St Clair, c’était «La Pédale St Clairoise».
    On faisait aussi des sorties au lac d’Aiguebelette avec les filles... On y allait en vélo. Mais non, ce n’est pas loin Aiguebelette ! Parfois on allait aussi jusqu’à Annecy !

    Et puis on jouait au foot à Faverges. Il y avait un terrain à la place des petites maisons vers le HLM, et un autre aux Sarrets. On jouait aussi à la Bâtie.
    Là-bas, comme il n’y avait pas de vestiaire, les garçons se lavaient dans la fontaine qui est sur la place et après ils se changeaient dans la grange qui était à côté.

    Il y avait aussi l’Amicale Laïque. C’était pour les jeunes qui avaient une vingtaine d’années et pour les adultes, pas pour les petits. On faisait des sorties,des visites, on jouait des pièces de théâtre et on chantait.

    On chantait beaucoup à Faverges.

    On jouait aussi au théâtre dans les écoles laïques. À l’école il y avait une salleavec un rideau pour faire les représentations.

    On se regroupait chez Clément, à côté de l’église. Après la guerre, ils ont construit une grande salle. C’était alors la salle des fêtes, de spectacle, de cinéma, de bal, en arrière de la maison carrée. On y allait aussi quand on avait un «cher» (un amoureux).

    Et enfin le patronage. C’était l’association de la paroisse. On y faisait beaucoup de théâtre et c’était la tatan de Marie-Thérèse qui exerçait.

    Avec le père Pégoud fallait pas jouer mixte, alors les filles se déguisaient en hommes pour jouer les rôles d’hommes. Quand on voit la vie de maintenant... c’était bien arriéré ça ! On faisait une représentation au mois de mai,et parfois, on jouait aussi dans l’école libre.
    Tous les deux avec mon mari, on a joué dans une pièce. C’était la première qui était mixte. Elle s’intitulait «Cœur d’Alsace». Lui, il jouait le rôle
    d’un Général. C’était une pièce triste de la Résistance. Les costumes on les faisait nous, ou alors, on les louait. »

     

    LES MARIAGES

    « Pour les mariages, les garçons et les filles d’honneur faisaient la quête lors de la tournée des cafés, après le repas de noce. A l’époque il y en avait à revendre à Faverges et on les faisait tous ! Pour le repas, on mangeait de la poule au riz, de la tête de veau à la vinaigrette, des épinards à la crème, et des poulets de la ferme. Il y avait six plats avec la pièce montée. Les mariages se faisaient à la maison chez la mariée ou parfois chez le marié.

    Mon mari avait 6 ans de plus que moi. On s’est connus parce qu’on était voisins. Quand je passais devant chez lui, je lui disais « Bonjour M’sieur », ça l’a fait rire toute sa vie ! Mon vélo faisait que lâcher devant chez lui ! Quand ma sœur s’est mariée, il était garçon d’honneur, et moi fille d’honneur alors ça avait fini les épinards !

    Mon voyage de noce c’était à Lyon. Après, on est parti jusqu’à Nice, en train pendant une semaine. Ma femme était un peu dépaysée, mais elle avait bien réagi, et puis encore après il y a eu un bébé ! »


    LES NAISSANCES

    « Souvent les femmes accouchaient à la maison, seules ou avec Madame Reboton de La Tour-du-Pin, ou avec Madame Ravat de Corbelin. Parfois celles-ci arrivaient trop tard, car il fallait les prévenir et il n’y avait pas de téléphone. Il y avait aussi un docteur à Corbelin, mais souvent on se soignait tout seuls. »


    LA BAILLI

    « Quand une femme - ou un homme - quittait son foyer mais qu’ensuite elle - ou il - revenait à la maison, alors on faisait la « bailli ». On tapait sur des casseroles jusqu’à ce que le couple nous ouvre et nous paye à boire.
    Quand j’avais sept/huit ans, on a fait la fête dans notre coin. Une dame avait quitté son mari pour partir avec un gars de Faverges, et elle était revenue.
    Les voisins avaient des casseroles et ils disaient « il y a la Marie qui est revenue », on va lui faire la bailli. Ils faisaient tout pour faire du bruit. On disait aussi «faire la cavalcade ». Parfois aussi, on utilisait un char sur lequel des gens représentaient le couple. La bailli pouvait aussi se faire si quelqu’un se remariait.
    Un jour on avait prévu de faire la bailli à quelqu’un mais il en avait eu vent. Il avait préparé une grande table avec des verres et des gâteaux. Les gens ont été surpris et n’ont pas eu le temps de faire du bruit.»


    LES ENTERREMENTS

    « Les enterrements se faisaient à cheval.
    En hiver, quand il y avait de la neige et qu’il fallait aller chercher les corps au Véronin, c’était difficile car lorsque le vent soufflait ça faisait des congères.
    Le Véronin, on l’appelait « La Petite Pologne ». C’était à l’autre bout du pays, un peu à part. Le curé allait jusqu’à la maison du défunt avec les enfants de chœur, ils faisaient tout le chemin à pied aller-retour, comme une procession.
    Après l’enterrement, les gens mangeaient ensemble. Pour moi, quand j’étais enfant, c’était difficile car les gens se retrouvaient, riaient et discutaient comme s’ils oubliaient pourquoi ils se retrouvaient. »


    MANGER

    « À la maison on mangeait de la soupe tous les jours... ça conserve, on est encore là ! On n’était pas envieux pour la bonne raison qu’on n’avait rien à envier, il n’y avait pas de publicité ! Pas de télé, pas de radio, on ne savait pas ce qui existait ailleurs !
    On faisait notre fromage et notre beurre. Petit, je savais le faire avec la baratte ou le pilon.
    On mangeait des châtaignes qu’on épluchait le vendredi en rentrant de l’école.Chacun avait son potager. On aidait les parents à ramasser les haricots et les pommes de terre. Pour le mardi gras, on faisait des bugnes.

    Les conscrits offraient un souper à leurs conscrites. Un jour ils nous avaient emmenées à Tapon, il y avait un petit caboulot là-bas, où on pouvait danser. Pour le repas, ils avaient apporté un bon plat de viande et voilà que les conscrits se sont mis à faire «miaou miaou», c’était du chat. Moi, j’en avais point mangé. »


    L’HIVER

    « Il faisait plus froid que maintenant, il y avait beaucoup de neige et elle durait bien plus longtemps.
    On chauffait les briques ou les bouillottes en cuivre pour les mettre dans le lit.
    Les briques passaient toute la journée dans le four du poêlon et le soir lorsqu’elles étaient à température, on les tortillait dans un tissu pour ne pas se brûler.
    Le matin il faisait froid dans les chambres, les vitres étaient complètement givrées. Ça faisait de jolis dessins.
    Dans les maisons il n’y avait pas de mazout mais du charbon qu’on achetait en bas du village, chez Couthon. Il y a longtemps il y avait des mines de charbon à Faverges : les charbonnières. Mais c’est vieux. Il y avait aussi de la tourbe dans le haut du village, mais ça ne chauffait pas grand chose et ça sentait mauvais.
    Avec la neige, on faisait de la luge. Sous le château, il y avait de belles pentes. Mais il fallait faire attention pour s’arrêter !

    Un jour à l’étang de Saquet, à l’Aquatière, avec mon frère et la soeur d’un voisin, on a glissé jusque sur l’étang.
    On a eu très peur car la glace n’était pas épaisse ! »

    LES LAVOIRS

    « Été comme hiver les femmes s’y retrouvaient pour rincer le linge.
    Il y avait ceux qui avaient toujours de l’eau parce qu’ils étaient le long du Pissoud comme le lavoir de l’Aquatière (dans les gorges, vers l’étang), le Pissoud (au bout dela route des Bruyère) et Moulin Martin (en basdu bois).
    Mais aussi ceux qui étaient alimentés par l’eau communale comme le lavoir du Champ de Mars (place de la mairie), celui vers la route des Gorges, celui d’en bas vers la route de Corbelin, celui du bas de la route du Flavay, en haut de Châteauvieux, et sur la route des Bruyères.
    Mais parfois comme ceux-là n’avaient plus d’eau, on allait jusqu’aux Gorges avec le b’reau ou la brouette, et les paquets de linge dessus.

    On avait l’eau et des chaudières dans les maisons. On lavait le linge avec les lessiveuses, ça faisait de la buée dans la cuisine, et on allait ensuite le rincerau lavoir.
    Mais en été, il arrivait qu’il n’y ait plus d’eau sur l’évier car la source n’était pas bonne.
    L’hiver par contre, on ne faisait pas beaucoup de lessives. Quand on revenait du lavoir nos mains étaient gelées. En attendant le printemps, on stockait le linge sale pour le laver à Pâques. On n’avait pas le temps de s’amuser. »


    VIVRE ENSEMBLE, LA FRATERNITÉ

    « Il y avait les mondées. On se regroupait chez quelqu’un pour casser les noix, et on partageait le saucisson ou l’andouille. On chantait beaucoup.
    Après l’émondage, on allait presser les cerneaux pour faire de l’huile. Ça sentait bon dans le village. À la ferme Morel, c’était le Jean Vallin qui faisait l’huile. Avec un sac sur les yeux, son cheval blanc faisait tourner le moulin toute la journée.

    L’alambic venait aussi chaque année. Il s’installait près du lavoir, vers la route des Gorges actuelle ou vers le lavoir du Pissoud. On faisait l’eau de vie avec le marc de raisin, ou avec la prune, la pêche ou la poire.
    Tout le monde avait sa vigne à Faverges. On faisait le Baco, vin blanc et vin rouge. Les enfants tassaient le raisin pieds nus pour faire sortir le jus.
    Il y avait la batteuse : ce n’était pas très gai, mais les hommes mangeaient ensemble. Ils battaient chez quelqu’un pendant deux ou trois heures, ils mangeaient puis ils allaient chez quelqu’un d’autre, ils mangeaient, et comme ça toute la journée. On travaillait beaucoup ensemble quand il y avait les gros travaux.

    Tout le monde se rendait service. Rendez-vous compte que toutes les maisons en pisé étaient fabriquées par les gens entre eux, avec un artisan qui s’y connaissait. Ils s’aidaient tous. Une année c’était la maison d’untel, ensuite celle d’un autre.

    Les Favergeois étaient des gens simples, tout le monde se donnait un coup de main

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