• Eglise et château (BM 2012)

    Eglise et château (BM 2012)
    Eglise et château (BM 2012)
    Ultime étape de notre promenade favergeoise, nous voila devant les deux monuments les plus chargés d’histoire du village à savoir : le château et l’église. Ces deux bâtiments sont si étroitement liés qu’il fallait les réunir dans un même article…
    Mais avant de continuer, et pour bien comprendre, faisons un rappel historique…..

    Nous sommes en pleine Révolution Française, période ô combien importante de notre histoire, puisqu’elle met fin à la royauté, à la société d’ordre et aux privilèges. C’est durant cette période qu’a été rédigée la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, proclamant l’égalité de tous devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation. Période particulièrement sanglante et de grande peur dans les campagnes où les paysans craignent les pillages de brigands. A chaque alerte, le tocsin sonne, tous s’arment comme ils peuvent ; puis le danger, réel ou non, passé, au lieu de retourner à leur travail, ils rejoignent le château, se font livrer les titres seigneuriaux et les brûlent. Silvion de VIRIEU de BEAUVOIR, petit fils de Messire André Nicolas de VIRIEU-BEAUVOIR Marquis de Faverges Baron de Romagnieu Seigneur de LE PALUD, n’échappera pas à la grogne et en août 1789, lui aussi, sera contraint de remettre ses registres. Contrairement à d’autres, le château ne sera pas dévasté, mais ce sera la fin des de VIRIEU propriétaires du château depuis le 13 ème siècle.

    Face à ces violences, l’Assemblée, constituée de propriétaires fonciers, abolit une partie des droits féodaux à savoir le monopole de la chasse et les droits personnels (corvées, servage…). Les droits réels portant sur la rente de la terre (cens, champart…) pouvaient, quant à eux, être rachetés. Evidemment seuls les paysans les plus riches pouvaient se libérer totalement de ce droit féodal. Finalement les décrets de novembre 1792 et juillet 1793 supprimeront sans indemnité « toutes redevances ci-devant seigneuriales, droits féodaux, censuels, fixes et casuels… »

    Suite à ces évènements, Silvion de VIRIEU de BEAUVOIR, endetté, vendra ses biens à Marc DOLLE, homme d’affaire grenoblois, qui lui-même les cédera en 1797 à Joseph MARION qui abattra les deux tours ouest du château. Puis en 1875, Monsieur Gabriel SAINT-OLIVE, banquier lyonnais, le rachète et s’y installe….
    Fils de Jean-François SAINT-OLIVE, soyeux devenu banquier, Gabriel SAINT-OLIVE (1828-1903) allait laisser son empreinte à Faverges.
    Notable d’une grande ville vivant à la campagne, il avait à son service 6 domestiques fixes plus quelques 7 « intérimaires ». Il apportera son lot de travaux au château (serres chauffées…), et s’impliquera dans la vie communale au point d’être élu conseiller en 1881 et 1884. Il démissionne de sa fonction en 1886 puis devient maire en 1888. Cette fonction et sa fortune, seront un atout pour la suite…à savoir la construction d’une nouvelle église.

    La première église était trop petite (à peine 200m2) malgré le rajout de la sacristie par Monsieur MARION en 1773, la modification du clocher de 1821 à 1823 pour recevoir une nouvelle cloche, la précédente étant fendue, et la construction d’une chapelle latérale par Monsieur MARION en 1837 sous condition d’un droit d’inhumation pour les membres de sa famille. A cela s’ajouteront l’effondrement partiel de la toiture en 1881, la chute du plafond, la nécessité de restaurer les murs….C’est donc au cours d’une réunion du Conseil de Fabrique le 16 mars 1882 que la décision est prise de « mettre l’église actuelle en état convenable en attendant qu’une église plus vaste et plus digne puisse être accordée à la paroisse ».

    En effet ni la commune ni la paroisse n’avait les fonds pour une telle construction…
    C’est donc à l’époque de ces délibérations que Monsieur SAINT-OLIVE est devenu maire de Faverges de la Tour.
    Sur les circonstances et les débats qui ont eu lieu à l’époque, nous n’avons que peu de documents ; mais nous pouvons affirmer qu’ils furent houleux comme le montre cette déposition de Monsieur François GENIN « je proteste contre l’église neuve parce qu’elle est mal placée, elle nous prive de tout espoir prochain d’avoir une église centrale à portée de tout le monde…..Enfin parce que l’offre de ce beau monument est faite sans la consultation de l’opinion publique. C’est un acte d’autorité tyrannique de certains hommes qui se disent grands…..Un homme parce qu’il est riche n’a pas le droit d’imposer sa volonté. » ou celles de Monsieur André GARET qui parle de retour « à la féodalité, au temps des serfs, c’est asservir toute une commune…. » et de Monsieur Joseph GENIN qui lui, pense aux générations futures « ….Dans quelques années, lorsque la commune aura payé ses chemins et ses écoles, elle pourrait avoir une église centrale à la portée de tout le monde, alors Monsieur SAINT-OLIVE n’aurait plus une église où il va sans sortir de chez lui,….Tant pis pour les habitants de Faverges, ils traverseront la boue, les mauvais chemins à perpétuité, à perpétuité. »
    Malgré cela, par acte du 10 novembre 1888, Monsieur Joseph BRET cédera à Monsieur SAINT-OLIVE un terrain de 1943 m2 pour 1 000 francs. La construction pouvait commencer, mais l’histoire était loin d’être finie…

    L’église de style romano-byzantin, aux belles dimensions (30 mètres de long, 15 mètres de large) fut édifiée entre 1889 et 1891. Elle coûtera 160 000 francs (20 000 francs donnés par les Chartreux, 140 000 francs par Monsieur SAINT-OLIVE). Pour avoir une idée de l’importance de la somme, il faut savoir que celle de La Bâtie-Montgascon avait coûté 77 000 francs et celle de La Tour du Pin 392 000 francs. De plus le coût n’autorisait pas un appel à souscription collective que ce soit par apport financier ou de main d’œuvre comme ce fut le cas notamment à La Bâtie-Montgascon ou pour le remplacement de la cloche de Faverges en 1821.
    L’église achevée, il restait à lui redonner une certaine « légalité »…il y eut, par conséquent, rédaction d’un acte de donation de celle-ci et du terrain à la commune de Faverges le 01 septembre 1890. Mais, parce qu’il faut toujours un « mais », il y avait des réserves dans l’acte, à savoir une affectation perpétuelle au culte catholique, interdiction d’autres constructions, refus de toutes foires, fêtes, ou bals sur le terrain, jouissances pour les Saint-Olive de la chapelle de la Vierge. Le conseil municipal du 6 septembre se conclut par une opposition de 5 conseillers contre 7 pour alors que de son côté le Conseil de Fabrique accorda la donation en l’état.
    Ce fut donc au Sous-préfet de « trancher ». Pour cela il fit procéder par Monsieur AGERON, instituteur à Veyrins, à une enquête en deux séances de consultation le 19 octobre : l’une le matin à la mairie et la seconde l’après-midi au Véronin. Sur les 278 personnes consultées, 90 habitants du Véronin sur 107 refusèrent la donation, alors que seulement 15 s’opposèrent le matin à la mairie.

    Monsieur AGERON dans son rapport souligna que l’opposition portait sur la situation de l’église et les réserves de Monsieur SAINT-OLIVE sur l’affectation au culte catholique et l’usage du terrain. Ce dernier ne céda que sur la mention du culte catholique.
    Finalement un décret de Sadi CARNOT en date du 17 novembre 1891 mis fin à l’affaire et l’église put entrer dans le patrimoine communal en plus de la « petite église »….cette dernière serait détruite entre 1892 et 1894 à l’exception de la chapelle funéraire dans laquelle se trouve inhumés les membres de la famille MARION et qui borde le cimetière actuel.
    Quand à notre église elle fut finalement bénie par l’archiprêtre de La Tour du Pin assisté du curé de La Bâtie-Montgascon le 24 novembre 1891 et sa consécration eut lieu en 1901 ….
    Gabriel SAINT-OLIVE sera battu aux élections de 1901.
    Le château changera de propriétaire en 1979 avec l’arrivée des TOURNIER et SENEQUE qui le transformeront en hôtel quatre étoiles pour la chaîne des « Relais et Château » puis en 2004 et jusqu’ à aujourd’hui il passera sous l’enseigne « Châteauform’ » avec à sa gérance Monsieur Gérald LAURENT.

    ….C’est ainsi que nous refermons ces pages d’histoires favergeoises. Merci à tous pour votre lecture et aux relecteurs de la commission pour leur patience et bons conseils.

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