• La vie des écoliers (Bulletin 2015)

    Nos Aînés nous racontent leur vie d’écolier

     

    Nous avons rencontré des habitants qui ont grandi à Faverges dans les années 1930-1950, et qui ont gentiment accepté de partager avec nous, leurs souvenirs d’enfance. Il convient de remettre ces écrits dans leur contexte.

    À cette époque le village comptait environ 750 habitants (764 en 1936, 713 en 1954).
    La commune de Faverges avait changé de nom il y a peu : en 1931, on venait de lui ajouter «de la Tour». C’était d’ailleurs le deuxième changement de nom, puisqu’avant la Révolution, Faverges s’appelait «San Bartouloumia», Saint-Barthélémy en patois dauphinois. 

    Pour ses habitants, le territoire de la commune était composé de deux entités distinctes séparées par le ruisseau du Pissoud. Il y avait d’une part «le Village» et d’autre part «le Véronin».
    Nos «conteurs de souvenirs» n’étaient pas toujours d’accord entre eux à l’évocation de certains sujets. Bien sûr, selon qu’on était une fille ou un garçon, selon sa sensibilité, son éducation ou sa situation sociale, on n’appréhendait pas les choses de la même façon. 


    À CETTE ÉPOQUE, IL Y AVAIT QUATRE ÉCOLES À FAVERGES !

    Deux écoles publiques laïques accueillaient les enfants du «Village». L’école de filles se situait à l’emplacement de l’école élémentaire actuelle, et l’école de garçons dans les bâtiments de notre école maternelle.
    C’est à l’école publique du Véronin, laïque et mixte, qu’étaient scolarisés les enfants des hameaux du Véronin, du Laca et de la deuxième partie de la route des Bruyères. Le bâtiment existe encore à l’angle du chemin Sous l’École et du chemin de Dième.
    Quant à l’école libre (privée), elle était réservée aux filles. Située place Saint Barthélémy, elle a fermé en 1958 et le bâtiment a été démoli en 1977.


    À PIED, EN VÉLO MAIS PAS EN VOITURE

    «A cette époque, les enfants se rendaient à l'école à pied ou à Vélo. Ceux qui habitaient le plus loin étaient rejoints par leurs camarades au fure et à mesure de leur avancée. Les plus grands accompagnaient les plus petits. Plus le groupe se rapprochait du village, plus il grossissait.
    Les routes étaient bien moins dangereuses que maintenant, mais la distance (jusqu'à 3 km pour certains) était la même !
    L'hiver, les enfants qui habitaient loin de l'école emportaient leur déjeuner car il n'y avait pas de cantine. Le reste de l'année, ils rentraient chez eux à midi.

    Il y avait école de 8 heures à 11 heures, puis catéchisme jusqu'à midi.
    L'école reprenait à "2 heures" (13h30) pour fini à "4 heures" (16h30).

    De retour à la maison, les enfants allaient «en champ les vaches», «en champ les chèvres» ou aidaient leurs parents aux travaux de la ferme.
     

    L’ÉCOLE PUBLIQUE

    «On ne manquait pas l’école pour un rien. Et on a bien appris puisqu’on a eu notre certificat !
    On obtenait tous notre certificat d’étude. On le passait à 14 ans. On commençait l’école à 5 ou 6 ans, et on était toujours intéressé par ce que faisaient les plus grands puisqu’on était tous ensemble. Comme ça on apprenait vite. Quand on réussissait le certificat d’étude, on avait un dictionnaire en récompense. Ensuite, si on voulait continuer les études, il fallait aller à La Tour. Le collège était à la place du lycée Elie Cartan. On disait que c’était ‘’l’école supérieure’’ et ça s’arrêtait à la 3ème. Pour continuer les études au lycée, il fallait aller à Bourgoin ou à Grenoble. On était alors interne.

    Mais beaucoup d’entre nous allaient à l’usine à 14 ans. D’ailleurs, on ne se faisait pas prier car on voulait gagner des sous !»

    Les maîtres et les maîtresses
    «Comme instituteurs, on a eu Marcel et Arlette Charvet et Mme Arnaud. Elle, elle venait en vélo depuis La Chapelle.
    Le maître, M. Gautier était très sévère, mais il était très juste, alors on l’appréciait. Il y avait aussi Melle Avocat.»

    La récréation
    «À l’école on jouait au ballon prisonnier, à la marelle, au foot (même les filles), et à la corde à sauter. Les filles faisaient tourner la corde par les garçons ! On avait déjà un panneau de basket. On jouait aussi à la Clé de Saint Georges, aux billes (on creusait un pot –un trou- dans la terre et on devait pousser les billes dedans avec une autre), à saute-mouton, à colin-maillard.
    Pour le jeu de la barre, on faisait deux équipes. Un joueur allait toucher la main d’un joueur adverse en disant ‘’barre, baron, barrette’’ et repartait en courant. Il ne fallait pas se faire attraper !»

    L’hiver
    «L’hiver, avec les galoches c’était dur de marcher sur la descente qui va au village parce que les chevaux tassaient la neige et ça glissait.
    Dans ce temps là, la neige durait toute une éternité ! Quand on arrivait à l’école, tous les matins on commençait par allumer le poêle pour faire chauffer la classe.
    La dernière année où j’allais à l’école, il y a eu beaucoup de neige. J’avais fait le chemin avec ma voisine qui était plus âgée que moi. Elle travaillait à l’usine au Véronin. On avait de la neige jusqu’aux cuisses. Et il y avait des congères à cause du vent. Comme on n’était que deux à être allé à l’école ce jour-là, la maîtresse, Madame Dépré,nous a fait monter chez elle pour nous faire la classe car elle avait un bébé et que la personne qui devait le garder n’était pas venue.»

    La politesse
    «À l’école, quand un adulte entrait dans la classe, on se levait ‘’comme un seul homme’’ : marque de respect. Et bien sûr, on devait se découvrir la tête quand on croisait quelqu’un dans la rue.»

    Le catéchisme
    «On avait le catéchisme de 11 heures à midi, à l’église, tous les lundi, mardi, mercredi et vendredi.
    C’était le Père Pégoud qui officiait. Il était sévère. Si un jour, par malheur, on ne s’était pas découvert la tête quand on le croisait, il
    le disait au maître, et le maître, même s’il était laïque, il nous en mettait une !
    Les élèves du Véronin venaient à pied pour le catéchisme. Ils repartaient vite pour être à l’heure à l’école l’après-midi.»

    On chantait beaucoup !
    «Pour Noël, chaque classe préparait un spectacle et tout le monde allait à «la salle à Clément». C’est la maison qui est à côté de l’église. Il y avait le bar devant, et une grande salle derrière.
    Chaque maître faisait jouer ses élèves, et on chantait. Ce jour-là tout le monde faisait sa représentation. Les trois écoles publiques jouaient leurs spectacles ensemble. A la fin on avait une papillote et une orange, et on était content comme ça.
    Je me souviens qu’à la libération le 8 mai 1945, les filles étaient venues à l’école des garçons, et qu’on avait chanté la Marseillaise tous ensemble ! C’était vraiment un beau moment. Les filles et les garçons ont été réunis à la rentrée d’octobre 1945.»

    En voyage avec le Sou des Écoles
    «Le Sou des Écoles existait déjà. Grâce à lui, on faisait un voyage scolaire chaque année, on allait à Paladru ou à Charavines.
    On correspondait aussi avec les élèves de l’école de La Chapelle-des-Pots en Charente Maritime. On était parti dans leur village pendant dix jours, et ils étaient venus ensuite chez nous pendant dix autres jours. Chacun accueillait quelqu’un dans sa famille. On les avait emmenés au fort Rabot à la Bastille au dessus de Grenoble. On était monté en téléphérique.»

    Le «Village» / «le Véronin»
    «Quand on allait faire un voyage scolaire, les gens de Faverges ne voulaient pas monter dans le car du Véronin. Eux, ils étaient de la ville et nous, on était de la campagne. Ils disaient que le Véronin, c’était la Pologne ou la petite Sibérie ! On ne se considérait presque pas du même village. Il n’y avait pas de lien entre nous.»

    Le soir après l’école
    «Après l’école, le soir en arrivant à la maison, on allait «en champ les vaches». Chaque cultivateur avait deux ou trois vaches, et on les emmenait en champ jusqu’aux Mouilles (vers la Bâtie) ou ailleurs.
    On les emmenait le long de la route, on les surveillait au champ puis on les ramenait le soir. Les vaches étaient habituées, elles étaient dociles... Comme nous !
    À cette époque, les champs n’étaient pas clos, il fallait donc surveiller les bêtes. Quand on les rentrait le soir, on leur passait le «coupe chaleur». C’était une lame métallique souple avec une poignée à chaque bout, et on raclait le cuir des vaches ou des chevaux avec pour en faire sortir l’eau.»

     

    L’ÉCOLE LIBRE

    Financée par la famille Saint-Olive, propriétaire du château, l’école libre se situait près de la salle des fêtes actuelle. Pour y aller, les élèves, uniquement des filles, passaient près du puits, qui est toujours au milieu de la place, ou par la cour de la maison d’à côté.
    Il n’y avait qu’une seule maîtresse pour 35 élèves de 5 ans à 13 ans :Mlle Jean.
    Par la suite il y a eu Mme Archinet.
    «Dans la cour de l’école il y avait une statue de la vierge, et un massif de tulipes. Quand elles étaient fleuries, elles étaient toutes jaune et rouge, la maîtresse envoyait alors deux élèves en porter une grosse gerbe à Mme Saint-Olive.»

    Les leçons
    «Tous les lundis il y avait leçon de morale. Les leçons commençaient par une phrase qu’il fallait développer ensuite sur le cahier. Par exemple : un honnête homme n’a qu’une parole, quand il l’a donnée il doit regarder comme un devoir de conscience d’y être fidèle.
    On apprenait les fables de La Fontaine, les départements, les chefs-lieux... On les rabâchait tellement que je m’en souviens encore !
    Nos vieux livres ne se tenaient pas droits, mais on apprenait bien quand même !
    On apprenait aussi la broderie et la couture. On brodait des chemises en coton. La maîtresse avait un rouleau pour faire le marquage et on brodait par dessus.
    Il y avait des heures pour chanter et on apprenait des chants grégoriens.
    Été comme hiver, on faisait la gymnastique dans la cour. Je me souviens encore des exercices : 1,2,3,4, et on faisait le tour de la cour en courant.»

    La maîtresse était sévère mais on l’aimait bien
    «Melle Jean, la maîtresse, n’était pas sur les heures. Elle ne vivait que pour son métier.
    Nous étions punies des fois : elle nous mettait au piquet. Quand on ne savait pas nos leçons, il fallait les copier ou alors elle nous gardait après l’école. Un soir, elle m’a gardée jusqu’à 7 heures car je n’arrivais pas me rappeler la règle de trois, ça ne voulait pas rentrer.
    Maintenant je la sais ! Je me souviens aussi qu’on allait ramasser à manger pour les lapins de la maîtresse. Les clapiers étaient vers les toilettes, dehors.
    Elle était sévère mais on l’aimait bien, elle nous a vraiment bien appris.»

    La kermesse
    «Pour la kermesse dans la cour de l’école, on vendait des billets de tombola et on faisait un repas. Il y avait beaucoup de monde. On s’asseyait sur les bottes de paille. On jouait le théâtre l’après-midi et il y avait le repas le soir.»

    Le certif ’
    «On passait le certificat libre (certificat d’études spécifique à l’école libre) et aussi le certificat ménager. Mais avec tous ces certificats on partait quand même à l’usine !
    Toute la famille Saint-Olive venait à la remise des prix. On faisait une petite fête, la maîtresse avait un harmonium, elle nous faisait chanter devant les parents.»

    École publique / école libre
    «J’ai trouvé bien quand l’école libre a fermé en 1958, car ça a rassemblé tous les enfants. Pourtant ça a fait du bruit à l’époque.
    Avant il y avait deux clans : ‘’les rouges et les blancs’’. Ceux qui étaient pour l’école libre allaient à la messe tous les dimanches... Pourtant, les autres, ils allaient aussi au catéchisme...
    À l’église par exemple. Devant, il y avait les rangs pour les élèves de l’école libre, et derrière, les rangs pour les autres.
    Mais c’était pas une chose bien ça. Ca ne rapproche pas, ça divise. Faut être un peu large d’esprit. Les autres n’étaient pas mauvais pour autant. Simplement on n’avait pas la même éducation.»


    BIEN SÛR ON FAISAIT DES BÊTISES...

    Les lavandières
    «Un jour, le maître nous avait emmenés en promenade. On était descendu dans les gorges. Les copains avaient voulu attraper des écrevisses dans le lavoir. Ils avaient remué la vase déposée au fond pour les trouver. A ce moment-là deux dames sont arrivées pour rincer leur linge. Elles n’ont pas pu le faire car l’eau était toute sale.
    Elles étaient furieuses. Il y avait de quoi car elles étaient descendues du village à pied, avec tout leur chargement de linge sur les brouettes !»

    La chèvre du voisin
    «On embêtait aussi le pauvre voisin de l’école. Il mettait ses chèvres au piquet sur l’herbe communale, et on allait les traire dans son dos.»

    Les verres qui bougent
    «Quand on rentrait de l’école, à quatre heures, on faisait parfois les sots. On s’amusait à glisser un bâton par le trou de la pierre d’évier des maisons le long du chemin, pour faire bouger les bouteilles ou les verres qui se trouvaient sur l’évier ! Certains copains mettaient des pétards dans le trou...»

    Les galoches
    «Je me rappelle qu’une année, l’automne avait été très pluvieux. Un petit lac s’était formé en dessous du château, et l’hiver arriva, très froid. L’eau de ce petit lac avait donc gelé. Après le catéchisme, et avant la reprise de l’école, on allait faire des glissades sur la glace avec nos galoches. Mais ça usait les galoches, et les clous partaient.
    Alors en arrivant à la maison, on se faisait gronder !»

    Le livre neuf
    «Une fois, je me souviens, c’était la première fois qu’on avait des livres neufs. Les livres neufs on devait les rendre tous les mercredis soirs parce qu’il n’y avait pas école le jeudi. Ce jour-là, après l’école, j’étais «en champ les chèvres» chez nous, quand je m’aperçois que les vaches du voisin n’étaient pas à leur place. Je vais alors pour les faire courir. J’ai posé mon livre sur la branche de châtaignier, et quand je suis revenue pour reprendre mon livre, j’ai vu que mes chèvres l’avaient mangé... Un livre neuf ! Alors le lendemain, il manquait un livre. La maîtresse était à l’œil, elle les comptait, et puis
    je n’avais rien osé dire, ça me turlupinait. Mes sœurs, qui étaient très gentilles et qui travaillaient à l’usine m’avaient payé le livre. Le lendemain, j’étais allée trouver la maîtresse et j’avais payé mon livre.
    Ça m’avait marquée. La maîtresse avait bien compris et ne m’avait pas secouée. Je m’en rappellerai toute ma vie, c’est la seule fois où
    j’ai eu un livre neuf !»

    Les vaches se sauvent
    « Un jour, nous étions « en champ les vaches », et pour nous amuser nous avions commencé à jouer à cache-cache dans les arbres. Tout
    à coup, nous nous sommes aperçu que les vaches étaient au milieu des vignes ! Nous avons eu vite fait d’aller les rattraper, mais nous nous étions fait gronder ! »

Encore plus d'articles...